Catherine Szanto, « Ermenonville, un jardin des Lumières. Évolution des jardins, évolution des idées », in Cahiers du Groupe d’Histoire des Forêts Françaises, Environnement et Société, n°30, Janvier 2020, p. 157-164.
Article issu d’une intervention lors de la Journée d’Etudes du Groupe d’Histoire de la Forêt Française à Ermenonville, le 20 juin 2019.
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Les jardins d’Ermenonville (créés dans les années 1760-1770), tels que nous les connaissons aujourd’hui, sont l’héritage du rêve du marquis de Girardin. Admirateur de Rousseau, faisant siennes ses idées sur la relation entre l’homme, la société et la nature, et appréciant dans les jardins anglais qu’il avait visités une mise en forme en accord avec ces idéaux, il chercha à « embellir, ou enrichir la nature ». Le domaine devint rapidement célèbre, d’abord pour lui-même, ensuite comme lieu de pèlerinage sur la tombe de Rousseau. Il fut créé pendant une période de foisonnement jardinier, à un moment où l’on créa de nombreux jardins dans le style « moderne » et où l’on publia de nombreux écrits sur ce nouvel art des jardins.
Dans ce bouillonnement généralisé de la pensée que sont les Lumières, l’art des jardins joue un rôle plus important qu’à aucun autre moment au cours de l’histoire européenne. Ses protagonistes appellent à le considérer comme l’un des « arts libéraux », « propre à exercer l’imagination et le goût ». C’est probablement ainsi qu’il faut comprendre l’injonction de Girardin : « Ce n’est donc ni en Architecte, ni en Jardinier, c’est en Poète & en Peintre qu’il faut composer des paysages, afin d’intéresser tout à la fois, l’œil & l’esprit ». Avec des mots d’aujourd’hui empruntés au philosophe Jean-Marie Schaeffer, nous pourrions dire que les créateurs de jardins et les auteurs de traités se proposent, pour l’objet esthétique particulier qu’est le jardin-paysage, d’explorer les modes d’attention esthétique spécifiques qu’il invite, et de mettre en place, à travers le dialogue entre les sites formés par les matériaux de la nature (le terrain, les bois, les eaux, les rochers), et ce qui permet de les parcourir, le chemin qui orchestre les successions et les transitions, le banc qui rythme les pauses, des nouveaux « protocoles d’expérience esthétique ».
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