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Année : 2013
Auteur :
Franceschi-Zaharia, Catherine

« Trois traits du paysage en dialogue avec l’architecture »

FRANCESCHI-ZAHARIA Catherine. « Trois traits du paysage en dialogue avec l’architecture/Trei trăsături ale peisajului, în dialog cu arhitectura », Sumarul Revistei Arhitectura, n° 5, 2013, URL : http://arhitectura-1906.ro/2013/11/trei-trasaturi-ale-peisajului-in-dialog-cu-arhitectura/.

Trois traits du paysage en dialogue avec l’architecture

Il est courant de commencer un article sur le thème du paysage en soulignant soit son ambivalence (le paysage serait à la fois « l’environnement grandeur nature » et « la représentation de cet environnement »), soit sa dépendance vis-à-vis de l’homme (le paysage suppose un point de vue). Il est tout aussi courant d’insister sur le lien entre paysage et dimension sensible de l’homme. Et ce serait cette dimension-là que le paysage apporterait à l’architecture lorsque l’un et l’autre sont pensés et travaillés conjointement.

Tout cela n’est pas faux, bien sûr, mais relève de certaines orientations attribuées à la notion de paysage au fil du temps. Une analyse des occurrences les plus anciennes du mot invite à faire un pas de côté, par rapport aux déterminants actuels, susceptible d’ouvrir d’autres espaces à la réflexion entre paysage et architecture. De ces analyses, trois traits structurant l’idée de paysage seront retenus. Le premier est son appartenance au champ de la représentation (ce qui va avec l’association paysage/regard). Le deuxième est le trait « ensemble » intrinsèque à l’idée même de paysage. Le troisième est la puissance d’invention qu’il sollicite auprès de celui qui le conçoit. Ces trois traits sont solidaires. Présents dès les premières occurrences du mot, ils traversent les âges sans une ride. Ils peuvent contribuer à instaurer un dialogue entre architecture et paysage. Avant de les expliciter, insistons sur une série de non équivalences entre paysage et jardin, paysage et nature, paysage et campagne, paysage et environnement, comme leur rapprochement actuel tend à les établir imprudemment. Enfin, pour éviter toute méprise, l’abord ici proposé du paysage ne sera ni une approche esthétique ni une approche phénoménologique. Les trois traits ci-dessous développés prennent appui sur des usages attestés des premiers moments du mot.

L’appartenance du paysage au champ de la représentation

Aujourd’hui, il n’y a plus beaucoup de travaux de langue française pour réfuter l’appartenance du paysage au champ de la représentation. Même les géographes, les anthropologues et une partie des écologues le reconnaissent. Les définitions des dictionnaires ne sont pas sans le consigner, mais toujours en seconde position, laissant croire à une précédence de sa désignation en tant que « Vue d’ensemble, qu’offre la nature, d’une étendue de pays, d’une région » ou « Vue d’ensemble d’un endroit quelconque (ville, quartier) »1. La première présence du mot dans le dictionnaire Français-Latin de Robert Estienne paru en 1549 reste en effet assez vague, bien que ce soit entre les peintres que ce nom soit en usage :

« Paisage : nom commun entre les painctres ».

Mais une enquête sur des usages antérieurs à 1549 a permis de retrouver quelques occurrences référant toutes à ce que le peintre doit accomplir dans les blancs laissés par le sujet principal du tableau. Aucune des occurrences retrouvées n’est en usage hors d’une représentation picturale. Ceci est une particularité de la langue française par rapport aux autres langues latines (l’italien en particulier) et anglo-saxonnes (le néerlandais et l’allemand en particulier). En effet, tandis qu’un mot nouveau était inventé en langue française pour parler de tout ou partie d’une image, ces autres langues transposaient le terme courant pour parler du pays, du territoire dans le champ de la peinture, réduisant par là l’écart, pourtant si fondamental, qu’il y a lieu de tenir entre une chose et son image, entre le pays et l’image du pays2. Cette appartenance du paysage au champ de la représentation fonde toutes les constructions postérieures auxquelles il peut donner lieu. C’est ainsi par exemple lors de la transposition du terme du champ de la peinture vers « le territoire jusqu’où la vue peut porter » (dictionnaire de Furetière, 1690). Dans cette définition, comme dans toutes les définitions postérieures, le paysage n’est pas synonyme de pays, de territoire. Ce à quoi il renvoie est bien toujours le territoire « vu », l’aspect du pays vu, « la vue d’ensemble d’une étendue de pays ». C’est cette participation de la vue qui introduit toute la différence entre pays et paysage. Elle maintient le paysage dans le champ de la représentation, ce qui spécifie les usages du terme en langue française par rapport aux termes italiens paese ou allemand landschaft.

Lire le texte complet au numéro 5/2013 de L’architecture

Notes:1 Selon le Trésor de la Langue Française électronique (TLFe), consulté le 20 septembre 2013.2 Pour plus de précision sur ce point voir C. Franceschi, « Du mot paysage et de ses équivalents dans cinq langues européennes », dans M. Collot (dir.), Les Enjeux du paysage, Editions Ousia, coll. « Recueil », Bruxelles, 1997, p. 75-111.

Voir en ligne : http://arhitectura-1906.ro/2013/11/...